«Mo napa zwe sove parski mo pena nanye pou kasiet»

Michaël Sik Yuen, ministre du Commerce et de la Protection des consommateurs. © Tony Fine

Intervenant dans l’émission Décryptage de vendredi dernier, le ministre Michaël Sik Yuen explique de manière pédagogique et sans langue de bois le maintien des prix de l’essence et du diesel. Il réaffirme sa volonté de lutter contre le «decanting illégal» du gaz et les abus de profits. Sur les produits de première nécessité, il évoque des baisses de prix déjà effectives et celles de prochains arrivages, en fonction des coûts à l’importation.
🟦 Comment s’est passée la campagne électorale pour vous et dans quel état avez-vous hérité de votre ministère ?
La campagne s’est très bien passée. Je ne suis pas sur le terrain pour la campagne seulement mais quotidiennement. J’ai été nommé par le Premier ministre pour être ministre du Commerce et de la Protection des consommateurs. C’est un gros ministère qui touche tout le monde. C’est un honneur. Dès que j’ai accepté ce poste, j’ai constaté qu’à Rodrigues il y a avait un problème de diesel et un problème de stockage, entre autres. À Maurice, la STC affiche complet pour les bonbonnes de gaz mais chez les commerçants nada. Il y a beaucoup de choses que nous devons régler, dont le decanting illégal. Il y a aussi le e-Commerce, la consumer finance protection. Tellement de défis devant nous.
🟦 Quel est le premier combat que vous avez pris en main parmi tant de défis?
J’ai démarré avec la baisse du prix de l’essence. Tout de suite après quelques semaines, nous avons baissé le prix par Rs 5. Il est vrai que certaines personnes reprochent le fait que nous avions promis de baisser le prix par bien plus que Rs 5. Sauf que la réalité est différente et une fois à l›intérieur nous réalisons les dégâts. Aujourd’hui, pour baisser le prix de l’essence, il nous faudra impérativement contracter un emprunt. Ce n’est pas logique. Il y a un gros déficit du Price Stabilisation Account (PSA) concernant le prix de l’essence à Rs 3.1 milliards. Il faut une baisse de 5 %. Le mécanisme existe depuis 2011 pour calculer le prix de l’essence. Dans mon ministère, par exemple, je parlais récemment avec le PS, j’apprends que l’ancienne équipe avait engagé une trentaine de personnes. Be pena sez!! Comment expliquer cette situation ? Fer koumadir ena enn tifi linn zwenn enn garson. Zot pe al marye. Garson la ena bon travay, ena kas e bon lenerzi. Aster zis avan zour maryaz, garson la al perdi tousala. Eski maryaz anile ouswa zot kontinye ansam?
C’est pareil. La semaine dernière, la Financial Crimes Commission a passé beaucoup de temps à la STC. L’ancienne équipe a détruit l’économie. Moody’s surveille Maurice. Une personne lambda ne va pas comprendre ce que c’est. Si Moody’s nous rétrograde prochainement, nous serons ce qu’on appelle en Junk Status. Pour expliquer cela simplement, disons qu’une personne a une dette envers la CIM ou Rogers. Il n’a pas payé. Il sera fiché à la MCIB et ne pourra pas avoir de loans. Voilà en gros ce qui se passera si Maurice se retrouve en Junk Status. Les banques internationales ne viendront plus travailler avec nous.

© Tony Fine
🟦 Dans les rues, les personnes se posent des questions sur la baisse des prix de l’essence en rappelant la promesse de baisser par Rs 20. Les gens se disent qu’au niveau mondial le prix n’est pas exorbitant. Pourquoi c’est le cas à Maurice et comment le calcul se fait ?
Le calcul se fait d’une manière depuis 2011 et je n’ai pas inventé cette méthode que l’ancien gouvernement trouvait correct. Premièrement, quand nous regardons les chiffres affichés mondialement, ce sont des produits bruts et nous achetons des produits raffinés car on n’a pas de raffinerie à Maurice. Maintenant qui dit acheter, raffiner, dit aussi compter le coût du fret, de l’assurance et la marge du supplier. Depuis 2007, le Parti travailliste qui était au pouvoir avait un accord G To G (Government to Government) et Maurice achetait directement avec le Mangalore. Aujourd’hui, on achète l’essence avec des agents et le contrat est renouvelé chaque année. Le contrat actuel a été donné depuis l’année dernière et se termine fin juillet. Notre gouvernement est en faveur d’un accord G to G et les discussions sont en cours.
🟦 Cette manière de calculer d’ailleurs…
Donc pour calculer cela, vous prenez le prix de janvier et de mars et aussi avril, mai et juin comme prévisions. Ces six prix deviennent l’average price et on compare.
🟦 Je disais cette manière de calculer que l’ancien gouvernement trouvait correct, vous en pensez quoi ? C’est correct ou vous avez l’intention de le changer ?
Il y avait une question au Parlement à ce sujet. On ne peut pas changer car ce déficit est financé par un loan. Le 11 novembre dernier, ce déficit était de Rs 3,4 milliards. La semaine dernière, ce déficit était de Rs 2,5 milliards. Rs 900 millions en moins. Ce montant déficitaire étant financé par un loan, il y a des intérêts à payer à hauteur de Rs 300 millions. Avant de prendre en compte cet intérêt, on a pu le baisser. Donc on peut revoir la fiche de calcul mais il faut réduire ce montant déficitaire. On a eu plusieurs conversations avec le gouverneur de la Banque de Maurice et ce n’est pas facile d’avoir des dollars aujourd’hui et même là, la STC doit prendre des loans. La semaine dernière on avait Rs 8 milliards de short-term loan. Le plus important, c’est de faire que la population ait ses produits de base et c’est ce que nous faisons. Dans une semaine nous nous attaquerons au e-commerce et aussi au Consumer Protection Bill que nous allons voir autour d’une table ronde lundi.
🟦 Vous avez mentionné les produits de base sur lesquels il y a aussi des contrôles de prix. Toujours est-il que le peuple trouve le prix exorbitant sur des produits comme le riz…
Je dois dire que j’ai eu un rapport concernant le prix du riz basmati premium. J’ai compris que le prix pour un sachet de 5 kg a baissé par Rs 40. Mais mon équipe conduit régulièrement des surveys. Il faut savoir que le mois dernier, le cabinet a approuvé une proposition de mon ministère qui est de mettre un maximum markup sur les produits en conserve de légumes et surgelés. Ces mesures sont appliquées sur les nouveaux stocks. On a noté pas mal de baisses. Le maïs en grain en boîte a baissé de Rs 26.15 à Rs 16.00. Le white beans 400g passe de Rs 46 à Rs 24.05. Une baisse de 47 %. Il y a aussi des produits surgelés et des baisses sur les produits pour bébés mais une personne qui n’a pas de bébé ne verra pas cette baisse. Il y a aussi des propositions qui seront bientôt validées dans l’intérêt des consommateurs.
🟦 Il y a des commerçants qui ne respectent pas les prix que vous venez d’annoncer et font ce qu’ils veulent. Comment s’assurer que ces prix sont uniformes à travers l’île ?
Vous devez comprendre que tous les produits ne subissent pas un contrôle de prix. À Maurice, on a vu une augmentation de la cherté de la vie ces 10 dernières années. On a mis le maximum markup. Pour certains produits comme le pain ou le riz, les prix sont fixés et sont couverts par des subsides. Le riz ration se vend à Rs 5.40 le livre alors que ça coûte Rs 18. Donc il y a un gros subside. Le gaz ménager à la base aussi. Le subside coûte Rs 5,2 milliards de roupies. On est là pour régler les problèmes.
🟦 Dans ce même élan, vous étiez sur le terrain contre le «decanting». D’où est venue cette découverte et on en est où maintenant ?
Le decanting est une activité illégale et très dangereuse pour ceux qui le pratiquent et aussi pour les occupants des voitures. Quand on regarde les statistiques des derniers 10 ans et 10 ans avant, il n’y avait pas de voitures qui prenaient feu sur nos routes. Mais aujourd’hui c’est un phénomène fréquent et nous avons remarqué que c’est dû au gaz. J’ai aussi compris que lors de ce transfert illégal de gaz, le conducteur se trouve dans la voiture. Si cette voiture explose, imaginez ce qui va lui arriver. Quand nous avons travaillé sur le decanting, nous avons remarqué que l’amende autour est très faible. C’est un maximum de Rs 100 000. Donc le travail continue car l’amende est faible. Mon ministère a envoyé une proposition au parquet pour que l’amende soit au minimum Rs 25 000 et ça évolue. Nous avons aussi proposé une amende pour le distributeur, chose qui n’existait pas avant. Le distributeur en question que ce soit Vivo energy ou Total demandent à un prestataire de faire la distribution et ne le font pas eux-mêmes. Si jamais ce prestataire distribue là où il ne faut pas à des vendeurs sans licence, il y aura une amende conséquente pour le distributeur. Nous comprenons que les gens vont vers le decanting pour économiser mais c’est dangereux et ça ne vaut pas la peine. Nou pa kapav les sa pase parski gaz inn fer pou kwi manze. On travaille dessus et en temps en lieu on va agir. Bann landing la pou kontinye.

© Tony Fine
🟦 Qu’en est-il de Rodrigues ?
À mon arrivée l’année dernière, il y avait un manque d’essence et de diesel à Rodrigues. C’est inacceptable. Ce pays est paralysé, les gens doivent faire la queue toute une journée pour avoir Rs 500 d’essence. C’est de la faute de l’ancienne équipe. AELDDS achète des produits pétroliers avec Shell et les envoie à Rodrigues à Rod Oil qui a des filling stations. Ils ont demandé un terrain pour faire du stockage depuis 2015. On est en 2025. Rien n’a été fait à ce sujet. Même s’il y a eu des problèmes de rupture l’an dernier, l’ancien gouvernement n’a pas jugé bon de donner ce terrain. Il aura fallu un changement de régime. J’ai parlé au chef commissaire de Rodrigues, Franceau Grandcourt, et les choses ont commencé à bouger. L’Assemblée régionale de Rodrigues a donné un terrain à bail à AELDDS pour le stockage. Le travail se fait mais entretemps on a augmenté le nombre de tanks transporté sur un bateau. Ce problème ne devrait pas se reproduire pour ne pas paralyser le pays.
🟦 Qu’en est-il du prix des médicaments ?
Il y a trois ministères qui sont concernés, dont celui de la Santé. Mon ministère s’occupe du prix et pas de la qualité. Ce sont eux les experts. Le gouvernement a parlé de parallel import dans son programme. On a besoin là de l’équipe du Foreign Affairs. En temps et lieu, ça va démarrer. Au niveau de mon ministère, on travaille sur le e-Commerce. On a eu beaucoup d’appels où des personnes se sont fait arnaquer. Généralement sur TikTok ou Facebook où des arnaqueurs mettent des offres alléchantes. Mo konn enn dimounn fek fini marye inn trouv enn zoli sofa lor rezo sosio. Vander la dir li dernye sa me si ou peye ou gagn li. Vander la dir li pay Rs 12 000. Letan dimounn la peye, li aret gagn nouvel vander la. Notre but, c’est de protéger les consommateurs des arnaqueurs.
🟦 Comment contrôler cela car même sur la Plateforme Tiktok il y a de l’arnaque. Des vendeurs sans licence qui proposent des produits moins chers qu’en magasin par exemple et cela sans licence d’opération ?
Premièrement, le vendeur doit avoir une licence qu’on appelle e-commerce licence qu’il doit afficher avec un numéro de téléphone enregistré. Ce numéro est unique. La personne doit vérifier en appelant le numéro de téléphone. Ça doit être clair : garantie avec l’option de retour, les frais de livraison doivent être clairs d’entrée. Ce n’est pas après livraison que la personne doit être mise au courant de cela. Souvent, quand on tombe sur un produit sur Facebook, on tombe sur des commentaires “Price Please”. Ça ne doit plus continuer. Le montant doit être affiché à l’écran d’entrée. Dans quelques semaines, j’aurai l’honneur de mettre cela en place.
Ça demande plus de responsabilités des consommateurs et une certaine éducation aussi…
On aura besoin de vous et de médias pour faire cette éducation.
🟦 Pendant la campagne électorale, beaucoup de promesses ont été faites autour des baisses de prix. Aujourd’hui avec la réalité des choses surtout pour le prix de l’essence qui n’a pas baissé, cela n’embarrasse pas votre ministère ?
C’est la vérité et elle est comme telle. Je n’ai rien à cacher. Parlons du prix de l’essence inchangé, je l’ai annoncé publiquement en convoquant la presse au lieu de publier un communiqué comme l’ancien régime. Je n’ai rien à cacher. C’est la situation. Nous sommes confiants de régler ces problèmes. C’est important de savoir qu’en comparant ce qu’on a fait en 4-5 mois c’est plus que ce qu’a fait l’équipe qui était là les 10 dernières années. Mo na pa pe zwe sove. Se zis laverite. Souvent quand je suis sur les ondes des radios, je dis à l’animateur d’appeler les anciens ministres pour venir contrer mes dires si je mens mais les anciens ministres ne répondent pas. J’étais invité sur une radio lundi. Je suis fully booked avec un agenda chargé en plus de devoir travailler sur les questions parlementaires. Je suis parti à la radio quand même. D’ailleurs, j’avais anticipé que j’allais avoir une PNQ. Mo dir mo pa kapav donn mo bal lindi mem me malgre sa monn al lor radio kan mem. J’ai dit à l’animateur d’inviter aussi une association de consommateurs et les trois anciens ministres dont Dorine Chukowry, Soodesh Callichurn et Yogida Sawmynaden. Ils ont refusé. Il faut être transparent et ne rien cacher. Le peuple sera satisfait de voir qu’on lui dit la stricte vérité sans détour.

© Tony Fine
🟦 Dans le même volet, vous avez annoncé un exercice d’audit au sein de la STC…
Oui, on a fini de lancer les procédures. Le ministère du Commerce a donné le feu vert à la STC pour le faire et c’est une firme privée qui s’en chargera.
🟦 L’actualité est tournée vers les municipales. Comment cela se passe ?
Très bien et d’ailleurs nous avons plusieurs réunions. C’est une belle équipe très présente sur le terrain qui connaît leur région. Ce sera une élection en faveur de l’Alliance du changement.
🟦 Je n’ai pas parlé du prix des légumes. Vous vous souvenez d’un fameux 10 mai 2022, vous avez sorti une chayotte (sousou) en pleins travaux parlementaires. Doiton s’attendre à une baisse des prix des légumes aussi ou de vous revoir sortir une chayotte au Parlement ?
(Rires) Les légumes frais tombent sous le ministre de l’Agro-industrie. Je vais terminer le travail sous mon ministère d’abord et j’irai épauler celui de l’Agro-industrie plus tard. En passant, quand j’avais amené ces légumes au Parlement, le speaker d’alors (rires) vous vous souvenez de lui. J’avais demandé à Fabrice David d’amener ces légumes e linn fer travay la. Letan monn plas mo bann prodwi, sa polisye deryer mwa linn trouve mo krwar. Letan ariv mo tour pou koze, gagn break. Monn bizin ramas tou mo zafer. Dan break, speaker vinn get mwa dir ‘si to al tir delwil grin sek, mo pou fini aret twa’. Vous souvenez-vous des masques à l’époque qui se vendaient à Rs 35 ? Quand j’en ai parlé au Parlement, le ministre Yogida Sawmynaden n’était pas d’accord. J’ai fait des recherches, j’ai vu que ces marques se vendaient à 7 sous pièce. C’est un crime. Quand j’en ai parlé, le prix a baissé à Rs 10. Rs 1 lamem ser. On a aidé à faire baisser les prix depuis que nous étions dans l’opposition. Zordi pwalon la dan nou lame. Mo kapav dir ou disel ariv Moris Rs 5 e pe vande Rs 25. Pa kapav pez bouton gagn tou. Bizin fer survey.
🟦 Quand ces surveys vont-ils terminer ?
Beaucoup sont terminés. Je dois dire qu’il y en a sur des produits alimentaires et non alimentaires comme médicaments ou lits médicaux. Une personne qui se blesse, ce n’est pas planifié. Une fois, j’ai acheté un lit médical pour un ami. Ça se vend à Rs 60 000 ici alors que je l’avais eu à Rs 20 000 à l’époque. Sa osi nou pou met lord.
🟦 Terminons sur le «sousou». Vous regrettez d’avoir amené cela au Parlement à l’époque?
Pas du tout. Je n’ai rien à cacher. Je reviens sur ce sousou. Le speaker n’était pas d’accord que je sorte une bouteille d’huile donc j’ai parlé de chayotte. Vu ki Morisien pa ti kone chayotte ki ete samem monn amen enn pou montre. (Rires)